Promenade au cimetière de Bagneux : dernière demeure de 4 grandes figures de la chanson française

Le cimetière de Bagneux est l’un des nombreux cimetières où a lieu l’enterrement des personnes qui ne peuvent être enterrées dans Paris intra-muros, faute de place, mais aussi parce que les concessions y sont moins chères.

Remarquablement aménagé en cimetière paysager, avec ses allées bordées d’arbres et ses haies où les oiseaux viennent nicher et chanter librement, il constitue un véritable poumon vert à la frontière de Paris. Un lieu de promenade d’autant plus intéressant qu’il est aussi la dernière demeure de 4 grandes figures de la chanson française : les chanteuses Lucienne Boyer, Barbara et Gribouille, et le guitariste Stéphane Sirkis du groupe Indochine (frère du chanteur Nicolas Sirkis).

Si cette idée de promenade vous tente, voici un rappel de la vie de ces personnalités de la musique.

LUCIENNE BOYER (1901, PARIS – 1983, PARIS) – CHANTEUSE – DIVISION 21 DU CIMETIÈRE

Surnom : La Dame en Bleu (car elle portait toujours sur scène une grande robe bleue).

Lucienne Boyer est un emblème de la chanson française de l’entre-deux guerres (à ne pas confondre avec Lucienne Delyle, que beaucoup lui ont préféré à la même époque).

Très jolie, elle repérée par un Américain au théâtre de l’Athénée, ce qui lui permet de débuter sa carrière aux USA et en Amérique du Sud.

De retour en France, elle ouvre en 1928 un cabaret « Les Borgias » et enregistre ses premiers disques. L’un d’eux remporte le Grand Prix du Disque de l’Académie Charles-Cros. En 1930, le succès auprès du public vient avec la sortie de la chanson « Parlez-moi d’amour » écrite pour elle par Jean Lenoir.

En 1939, elle épouse en seconde noces Jacques Pills, chanteur d’un duo de cabaret, avec lequel elle avait enregistré quelques chansons. A partir de 1940, elle rouvre un cabaret chez elle et y appose une pancarte « interdit aux juifs » : selon elle, c’était le seul moyen de protéger son conjoint qui était juif. En 1941, le couple donne naissance à Jacqueline Boyer qui deviendra également chanteuse.

Pendant et après la guerre, Lucienne Boyer chante aussi bien en France qu’en Amérique et alternera ainsi deux brillantes carrières parallèles jusque dans les années 60. Sa féminité, sa beauté, mais aussi une certaine fragilité lui donnent un charme typiquement parisien qui plaît autant aux Français qu’aux Américains.

Elle fait quelques apparitions à la télévision et au cinéma dans les années 70. Elle se consacre ensuite à des associations au début des années 80. Elle meurt (de sa belle mort) en 1983.

Ses chansons à succès :

Parlez-moi d’amour (son plus grand succès), Un amour comme le nôtre, Si Petite, Mon coeur est un violon

 

 

GRIBOUILLE (1941, LYON – 1968, PARIS) – CHANSON FRANÇAISE – DIVISION 96 DU CIMETIÈRE

Vrai nom : Marie-France Gaite

Lyonnaise avant d’être parisienne, Gribouille est issue d’une famille bourgeoise catholique. Elle pratique lie piano mais ne pense qu’à la chanson. Comme elle refuse d’entrer dans le cadre et les conventions de son milieu, ses parents, dépassés, la placent dans un foyer dès sa pré-adolescence. Ses talents de chanteuse commencent à être repérés et elle monte sur scène à partir de 16 ans. Lorsqu’elle rejoint Paris, elle vit de ses dessins à la craie « gribouillés » à même le trottoir. Elle est quasi SDF…

Un jour elle est repérée par Jean Cocteau qui la présente au cabaret parisien « Le boeuf sur le Toit ». Puis elle se produit dans d’autres cabaret connus (à l’époque) comme « l’Ecluse » ou « Au Dom Camillo » et a beaucoup de succès. On la compare alors à Barbara ou Brel.

Jolie, elle arbore une apparence androgyne / garçonne. Sa voix grave et ses chansons ambiguës lui gagnent rapidement le public lesbien.

Françoise Mallet-Joris disait d’elle «Elle était le désespoir sous la forme la plus séduisante qui chante avec des coups de gueule et d‘inattendus mouvements de tendresse qui l’étonnaient elle-même.».

Celle qui avait chanté « Mourir demain » comme une prémonition meurt à 27 ans, d’une overdose de médicaments et d’alcool, sans avoir connu Mai 68.

 

Ses chansons les plus connues

Grenoble, Ostende, Mathias, Les roses barbelées, Mourir demain

 

BARBARA (1930, PARIS – 1997, NEUILLY-SUR-SEINE) – CHANTEUSE ET PIANISTE – DIVISION NO. 4 DU CIMETIÈRE

Vrai nom : Monique Serf

 

Barbara est probablement l’un des plus grand nom de la chanson française, avec Brel, Brassens, Piaf ou Ferré.

Issue d’une famille juive, son enfance est mouvementée par la Seconde Guerre Mondiale (déménagements fréquents, logements précaires) et par un père instable. Après la Guerre, sa famille s’installe au Vesinet où Barbara commence à apprendre le piano. Très vite elle a l’idée de devenir « pianiste-chanteuse » c’est à dire de chanter en s’accompagnant. Malheureusement une maladie des doigts la contraint à limiter sa carrière de pianiste au profit du chant, dans lequel elle se donne corps et âme, écrivant elle-même ses textes, souvent très poétiques et sa musique. Cela ne l’empêche pas de continuer de s’accompagner au piano.

Après des débuts difficiles à Paris, elle tente sa chance à Bruxelles entre 1950 et 1952. Elle y rencontre de nombreux artistes mais elle peine tant à gagner sa vie qu’elle finit par rentrer à Paris.

C’est à 30 ans que son talent est vraiment reconnu, avec la sortie d’un disque dans lequel elle reprend des chansons de Brassens. Elle obtient le grand prix du disque et le prix d’interprétation.

En 1964, elle fait la première partie du concert de Brassens à Bobino : c’est une révélation au grand public.
Elle enchaîne ensuite les concerts dans de grande salles (Bobino, l’Olympia,…) mais aussi une tournée européenne. Elle collabore avec de grands artistes : Georges Moustaki, Brel, William Sheller, entre autres.

En 1981, elle donne un concert à Pantin qui est un réel triomphe. Jack Lang (alors Ministre de la Culture) la récompense du Grand Prix National de la chanson française.

Sa musique laisse transparaître une sensibilité à fleur de peau, beaucoup de poésie, du drame, une attention aux problèmes de son temps, mais aussi et surtout, un très grand amour pour le public (cf. la chanson « Ma plus belle histoire d’amour c’est vous »).

Au début des années 90, confrontée à des problèmes de santé, elle se retire quelques peu de la scène et trouve du repos dans une maison de Seine et Marne où elle se ressource, en communion avec la nature, sortant très peu, ne voyant presque personne.

En 96, sa santé encore trop fragile (problèmes respiratoires) ne lui permet pas de remonter sur scène. Elle enregistre alors l’album « Barbara 96 » en collaboration avec de grands artistes comme Didier Lockwood (violoniste de jazz), Jean-Louis Aubert (chanteur),Richard Galliano (accordéoniste), Eddy Louiss (organiste),Frédéric Botton et Luc Plamondon (paroliers). Son succès ne décroît pas.

Sa vie d’artiste est alors ralentie par sa santé fragile, mais cela ne l’empêche pas de s’engager généreusement pour les autres, avec beaucoup de discrétion : visites dans les prisons, réponses à des appels téléphoniques de personnes en détresse, dons pour les arbres de Noël, cuisine pour les enfants du village, cession de ses droits d’une chanson pour l’association Act Up de lutte contre le Sida. C’est dans cette période qu’elle commence à rédiger ses Mémoires.

Elle meurt prématurément en 1997, des suites de ses problèmes respiratoires. C’est un choc pour le public. Environ 2000 personnes sont présentes à ses obsèques, dans le carré juif du cimetière de Bagneux.
Elle est aujourd’hui l’objet de très nombreuses reprises et hommages (dont une récente exposition à la Philharmonie de Paris).

Ses plus grands succès :

L’Aigle noir, Ma première histoire d’amour c’est vous, Dis-quand reviendras-tu, Nantes, Göttingen, Marienbad, La Dame brune

 

STÉPHANE SIRKIS (1959, ANTONY – 1999, PARIS) – GUITARISTE – DIVISION 70 DU CIMETIÈRE

Vrai nom : Stéphane Paul Denis Sirchis

Frère jumeau de Nicolas Sirkis, Stéphane grandit à Bruxelles puis Paris dans une famille bourgeoise qui avait l’habitude d’écouter de la musique classique.

D’abord intéressé par le jazz, puis par le rock progressif, il fonde au début des années 70 son propre groupe : Light. Il sera ensuite influencé par la musique Punk et par les idées de révolte contre la société qui la caractérisent.

C’est en 1981 que son frère Nicolas Sirkis crée le groupe Indochine. Stéphane rejoint le groupe de rock en 1982, lâchant peu à peu les études de psychologie qu’il avait commencées à l’université. Il est le compositeur principal de 2 albums : Wax et Danceteria.

 

Il meurt tragiquement en 1999 d’une hépatite C, âgé de 39 ans seulement.