Y aurait-il eu succès de la Réforme sans la musique ? La question vaut d’être posée. Luther avait une bonne culture musicale. Il pratiquait le chant choral, jouait du luth, transcrivait des œuvres, corrigeait des partitions. A l’origine de sa Réforme, « l’expérience de la tour », c’est-à-dire la découverte de la gratuité du salut apporté par la foi. Cette découverte, Luther la revit grâce à la musique – qu’il appelle affectueusement « Frau Musica », Dame Musique. « La musique est proche de la théologie », écrit-il. « Seule après la théologie la musique produit ce que la théologie, en dehors d’elle, est seule à produire : à savoir une âme tranquille et joyeuse. » (1) Pour Luther, la musique, remarque Jacques Sutter, n’est pas un « accessoire de la Parole ». « L’une et l’autre emprunte la même voie d’accès pour toucher le cœur de l’homme : l’ouïe… (et) elles entrent dans une même complicité de cheminement et de signification. »
« En Saxe, Luther », rappelle Jacques Sutter, « instaure le chant populaire à une voix ou polyphonique. »(2) Le choral luthérien qui utilise la langue vernaculaire connaît un immense succès. A l’époque de Jean-Sébastien Bach, on en comptait plus de 5000. Le Réformateur voit dans cette forme musicale un « moyen d’action directe » qui permet d’assurer la stabilité de la vie du chrétien » et de renforcer les « liens communautaires d’une paroisse ». « Le choral vocal », note Edith Weber, « est exploité dans les cantates, les passions, les oratorios, les motets allemands et la musique d’orgue » (3).
L’apport du protestantisme au patrimoine musical de l’humanité est considérable : depuis les formes citées ci-dessus – sans oublier l’anthem, chant responsorial issu de la Réforme anglicane – jusqu’au gospel song et au negro spiritual. Une autre initiative réformée révolutionna la liturgie : le Psautier dans la langue des peuples. En 1539, paraît à Strasbourg le premier Psautier huguenot, publié par Jean Calvin, réfugié dans la ville. En 1562, le recueil complet des cent cinquante psaumes de David voit le jour à Genève, dont les traductions sont dues à Clément Marot et Théodore de Bèze et dont la musique fut composée par les chantres successifs de la l’église Saint-Pierre. Ils devaient, à l’office, remplacer le chant grégorien.
JP G, Article issu de la revue l’Actualité Religieuse, no. 155, 15 mai 1997
Pour aller plus loin :
Visiter le musée du protestantime : http://www.museeprotestant.org/notice/martin-luther-et-la-musique/
(1) Citation empruntée à l’article d’Annie Noblesse sur le Jésus de Luther, hors série « Jésus sans frontières » de l’Actualité Religieuse, no. 4 octobre 1994
(2) Religieuse chrétienne (Musique), « Encyclopédia Universalis », vol. 15, Paris 1989
(3) In « Encyclopédie du protestantisme », Le Cerf / Labor et Fides, Paris / Genève, 1995