Pourquoi le jazz et le gospel sont-ils tant appréciés lors des cérémonies d’obsèques?

L’équipe d’Elicci a remarqué que le jazz (incluant le gospel) est le 2èmetype de musique le plus demandé pour accompagner les cérémonies d’obsèques, après la musique classique. Nous nous sommes donc interrogés sur les origines du jazz et ses caractéristiques afin d’expliquer ce choix des familles endeuillées qui préparent des funérailles.

ORIGINES

Le jazz est une musique née avec le 20ème siècle. Son évolution à été très rapide et sous de multiples influences a pris de nombreuses formes, si bien que certains la considèrent un peu comme une musique « fourre-tout ».

Le jazz est, à l’origine, l’expression du peuple noir des USA au profil humaniste. C’est une musique improvisée, une musique de contestation. On peut presque parler de contre-culture pour l’époque. Puis le jazz deviendra très vite un mode d’expression universel.

Esclaves travaillant dans les champs de coton

 

C’est une musique de création totale, expérience de la liberté, par un peuple esclave. L’essentiel n’est pas de bien jouer ou chanter le jazz, ce n’est pas le résultat qui compte, mais l’expérience vécue par ceux qui chantent ou jouent cette musique. Le principe n’est donc pas d’aboutir à une œuvre achevée mais un processus.

Le peuple africain d’Amérique est alors à la recherche d’une identité à recréer : il est en train de créer la culture afro-américaine par un double processus d’adoption (acculturation) et d’apport propre (enculturation).

LES CARACTÉRISTIQUES DU JAZZ

L’adoption de l’anglais, langue étrangère, va donner une allure sonore et rythmique particulière que l’on appelle le swing.

L’adoption de la religion chrétienne se répercute dans l’adoption d’un système harmonique nouveau.

La musique accompagne toutes les activités : travail, prières, délassements, repos, sans oublier les grands moments de la vie (naissance, mariage, mort).

Dans le jazz il n’y a pas de public. Au contraire, tous participent : jeunes, vieux…etc.

On remarque aussi que la danse est indissociable de la musique.

L’expression du timbre est très importante : on ne cherche pas la pureté ni la perfection de la musique, donc les timbres sont au contraire brouillés, ce qui est considéré comme beaucoup plus expressif.

Le jazz part en général de thèmes d’improvisation sur la condition humaine et notre finitude. La plupart des chants gospel parlent de la résurrection, des retrouvailles avec Dieu, de la délivrance des souffrances de ce monde. C’est pourquoi ces musiques sont souvent choisies par les familles qui préparent un enterrement.

Un cortège funèbre typique de la Nouvelle Orléans

 

LES APPORTS DU JAZZ :

Le jazz apporte un sens rythmique nouveau faisant appel à une pulsation continue sans découpage interne de la mesure, contrairement au tempérament égal de la musique occidentale de l’époque.

Enfin, la remise en cause presque totale des fondements du jazz classique va donner naissance au free jazz, proche de la musique contemporaine.

Le negro spiritual et le gospel

ORIGINES

Le spiritual ou negro-spiritual, dans l’histoire générale du jazz, est également une création collective à l’instar de tous les courants jazziques. Plusieurs théories s’affrontent concernant son origine. Certains pensent par exemple qu’il serait le résultat de la déformation des chorals protestants. D’autres encore évoquent les chants chantés par les africains d’Amérique dans les plantations, pour se donner du cœur à l’ouvrage. Ainsi on retrouve diverses appellations pour ces chants: corn-sucking songs (chant d’épluchage du maïs), canne-songs (chants des cannes de sucre), harvest-songs (chants des récoltes), camp-meeting (réunions d’après travail au coin du feu).

Le 1er spiritual relevé et publié en 1861 était un hymne chanté clandestinement, Go Down Moses :

DIFFUSION DE CETTE MUSIQUE

Après la guerre de sécessions, certaines institutions pour les noirs, notamment la Fisk University ou le Hampton Institute contribuent à codifier ce style de musique en lui donnant un certain nombre de règles, ce qui va permettre son développement et sa diffusion. Le spiritual s’occidentalise donc, devient moins typiquement africain. Cette nouvelle conception est notamment illustrée par le Golden Gate Quartett.

Ci-dessous une de leurs chansons souvent chantée lors des funérailles, «Swing down sweet chariot», car il évoque le véhicule funéraire qui part vers le lieu de l’enterrement.

Le spiritual populaire, à la fois plus primitif et plus authentique devient alors le «gospel song». Parmi les premiers grands interprètes du genre, Mahalia Jackson :

Un schématisation binaire consiste à relier le spiritual aux textes de l’ancien testament, tandis que le gospel s’inspire davantage des textes du nouveau testament (les évangiles).

LE RAGTIME

To rag, en anglais, signifie heurter, hacher. Le rag time joue sur les contre-temps. Comme le spiritual, le ragtime est une forme de jazz. Sa très grande popularité vient des pianos mécaniques.

Le ragtime obéit à des règles strictes par un tempo modéré: le slow march time. Ce tempo se prête tout à fait à accompagner les processions funéraires, entre l’église, lieu des funérailles religieuses et le cimetière par exemple.

La structure du ragtime, d’une écriture en 16 mesures avec reprises, ressemble à la coupe occidentale des valses ou des marches voir même, des polkas. Cette mise en forme témoigne de la volonté des noirs de faire accepter ce style de musique par les blancs. Le ragtime deviendra par la suite une danse de salon.

Le premier ragtime imprimé date de 1897: il est intitulé «Mississipi»

Le compositeur Scott Joplin est considéré comme le père du ragtime. Son professeur étant allemand, on reconnaît dans sa musique l’influence des valses:

LE BLUES

Le blues est une musique d’amour, de spleen, d’attente, d’accords, mais le blues peut aussi évoquer la tristesse et les déboires. W.C. Handy est considéré comme le père du blues. C’est lui qui reprend, codifie et publie cette forme de musique.

Ci-dessous, St Louis’ blues par Handy:

Le blues donnera peu à peu naissance à une partie du rock n’roll, notamment à partir du moment où les instruments sont électrisés quand les noirs migrent vers les grandes villes du nord de l’Amérique comme Chicago par exemple, dans les années 1940 et 1950.